Compléments alimentaires
Les compléments alimentaires fleurissent. En constante croissance depuis une dizaine d’années, surfant sur une image de « produits naturels », ils représentent un marché estimé à 250 milliards d’euros pour 20241. Échappant à une règlementation encadrée, les particuliers peuvent en acheter tant en pharmacie, qu’en parapharmacie, en grande surface qu’en épicerie, ou sur Internet sans prescription médicale. Les thérapeutes sans diplômes qui soient reconnus par l’État, tels les naturopathes, énergéticiens, coach sont les principaux prescripteurs.
Des affirmations non médicalement fondées de ces derniers, aux promesses de mieux-être des fabricants, de nombreux mythes sont véhiculés. Mais quel prix êtes-vous prête et prêt à payer ? Celui d’y laisser votre santé ?
Scientifiquement, mon cursus en DESS de nutrition et d’alimentation, m’invite à la plus grande prudence.
La littérature scientifique est divisée bien que nombre d’études aient été produites. D’autres sont toutefois nécessaires pour confirmer ou infirmer certaines pistes de recherches tant à titre préventif que curatif. En effet, pour la majorité des pathologies les résultats ne sont pas univoques, contrairement à ce que certains affirment. Par exemple, nous avons deux études potentiellement contradictoires relatives au Ginkgo biloba2,3.
D’autre part, les doses4 et durées des prises des compléments alimentaires, de même que les modalités d’administration font débat. Au mieux floues, voire absentes. Ce qui est d’autant plus paradoxal, qu’un complément alimentaire à forte dose ou sur une certaine durée peut avoir un effet dangereux et délétère5. Déstabilisant votre métabolisme, il entrainera carence et excès dans certains nutriments. Phosphore et calcium, par exemple, sont intimement liés.
Sans analyse médicale initiale, prendre des compléments alimentaires revient à jouer à la roulette russe avec votre santé. Parmi les marchés les plus porteurs : les problèmes de digestion, de poids évidemment, du stress et du sommeil, et selon la saisonnalité l’immunité, la vitalité. Autant de facteurs qu’une prise en soin diététique spécialisée peut résoudre rapidement.
Autre point, proportionnellement peu d’études sont réalisées sur des humains. Les résultats obtenus sur animaux de laboratoires ne peuvent-être transposés6,7.
Enfin, les différences potentielles entre compléments alimentaires de synthèse et naturels8 i.e. ceux obtenus en laboratoires versus ceux issus de plantes et aliments, m’interrogent toujours car faiblement évoquées.
Certaines variables semblent cependant faire l’unanimité : un mode de vie sain, suffisamment d’activité physique sans excès9 et une alimentation naturellement saine peuvent contribuer à la prévention des pathologies, et mener à un mieux-être réel et durable. Le stress, par exemple, est reconnu comme facteur qui « pourrait nuire au bon fonctionnement de l’organisme »10.
Que ton alimentation soit ta première médecine disait déjà Hippocrate. Il vous en coutera moins cher (économiquement et surtout pour votre santé) de prendre rendez-vous !
Demeure l’aspect mercantile directement lié aux laboratoires pharmaceutiques, agro-alimentaires et cosmétiques, qui m’apparait d’autant plus comme un des enjeux majeurs au-delà de la santé de chacun-e. Aussi, les réalités financières devraient être modérées par les risques sur la santé. Avec un coût subséquent pour la communauté dans la prise en charge des consommateurs peu avertis et encadrés par des professions de santé dûment formées.
Bibliographie
1 – Grand View Research Inc – https://pileje-industrie.com/the-keys-of-success-of-the-french-dietary-supplement-market/
2 – Natural Compounds: Evidence for a Protective Role in Eye Disease. Can. J. Ophthalmol. 2007, 42 (3), 425–438. https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0008418207801645
3 – Wilkinson, J. T.; Fraunfelder, F. W. Use of Herbal Medicines and Nutritional Supplements in Ocular Disorders. Drugs 2011, 71 (18), 2421–2434. https://link.springer.com/article/10.2165/11596840-000000000-00000
4 – Pincemail, J.; Bonjean, K.; Cayeux, K.; Defraigne, J.-O. Mécanismes physiologiques de la défense antioxydante. Nutr. Clin. Métabolisme 2002, 16 https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0985056202001668 (4), 233–239
5 – Defraigne, J.-O.; Pincemail, J. Stress Oxydant et Antioxydants: Mythes et Réalités. Rev. Médicale Liège 2008, 63, 10–19. https://orbi.uliege.be/bitstream/2268/20796/1/292.pdf
6 – Scalbert, A.; Manach, C.; Morand, C.; Rémésy, C.; Jiménez, L. Dietary Polyphenols and the Prevention of Diseases. Crit. Rev. Food Sci. Nutr. 2005, 45 (4), 287–306. https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/1040869059096
7 – Biasi, F.; Astegiano, M.; Maina, M.; Leonarduzzi, G.; Poli, G. Polyphenol Supplementation as a Complementary Medicinal Approach to Treating Inflammatory Bowel Disease. Curr. Med. Chem. 2011, 18 (31), 4851–4865. https://www.ingentaconnect.com/content/ben/cmc/2011/00000018/00000031/art00009
8 – Bougandoura, N.; Bendimerad, N. Evaluation de l’activité Antioxydante Des Extraits Aqueux et Méthanolique de Satureja Calamintha Ssp. Nepeta (L.) Briq. Nat. Technol. 2013, No. 9, 14.
9 – Bouzid, M. A. Exercice physique, marqueurs antioxydants et peroxydation lipidique : effets de l’âge et du niveau d’aptitude physique. phdthesis, Université du Droit et de la Santé – Lille II, 2014.
10 – Nijveldt, R. J.; van Nood, E.; van Hoorn, D. E.; Boelens, P. G.; van Norren, K.; van Leeuwen, P. A. Flavonoids: A Review of Probable Mechanisms of Action and Potential Applications. Am. J. Clin. Nutr. 2001, 74 (4), 418–425. https://academic.oup.com/ajcn/article-abstract/74/4/418/4737352