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Asthme et vitamine D3 : Quels liens existeraient ? Partie 3

La supplémentation en vitamine D3 peut-être judicieuse dans le contrôle de l’asthme. Cependant, une prise de position s’étudie au cas par cas lors d’une consultation  en ligne ou à mon cabinet.

The effects of vitamin D supplementation on airway functions in mild to moderate persistent asthma – Essai contrôlé randomisé (15)

Outil nutritionnel utilisé : Les taux sériques de 25-OHD ont été mesurés par dosage RIA à 0, 8 et 24 semaines. Cette technique de dosage est adaptée et communément utilisée (10,13). Les patients du groupe d’intervention (GI) ont reçu au démarrage une dose bolus de 100 000 UI de 25-OHD par injection intramusculaire, puis hebdomadairement des comprimés de 50 000 UI par voie orale. L’adhésion à la vitamine D3 a été évaluée au moyen d’appels téléphoniques hebdomadaires assurant un bon suivi et peu de risques d’erreurs. Le groupe contrôle (GC) n’a pas été supplémenté.

Population à l’étude : Les 130 patients, natifs de Fars et vivant à Téhéran, âgés de 10 à 50 ans ont été sélectionnés parmi ceux atteints d’asthme persistant léger à modéré (2) et ayant consulté le service d’allergie pneumologique de l’hôpital de Téhéran en 2013. Étaient exclus les patients atteints de : maladie pulmonaire obstructive chronique, sarcoïdose connue, hyperparathyroïdie, tuberculose active, intolérance à la vitamine D, insuffisance hépatique, maladie rénale, tumeurs malignes non en rémission depuis plus de 2 ans, traitement anticonvulsivant, supplémentation en vitamine D3 ou D2, corticothérapie systémique jusqu’à 3 mois avant ou pendant l’étude, allaitement ou grossesse, taux de calcium sérique de base supérieur à 2,65 mmol/L, exacerbation de l’asthme 3 mois avant ou pendant l’étude, tabagisme actif ou passif et utilisation incomplète de médicaments antiasthmatiques pendant l’étude. Les participants ont été aléatoirement divisés en deux groupes, tous sous traitement par glucocorticoïdes : GI = 64 et GC = 66 individus. Une fois les pertes rapportées, restaient réciproquement 55 et 53 sujets.

Principaux résultats : Au début de l’étude, les taux moyens de vitamine D étaient similaires, quelle que soit l’intensité de l’asthme. Dès la huitième semaine, le VEMS1 s’est significativement amélioré dans le GI passant de 69 à 82.5 (P<0.001), mais très peu dans le GC passant de 71.5 à 76.5. C’est seulement à la fin de l’étude, qu’une corrélation entre les variations de niveaux sériques de 25-OHD et de VEMS1 a été observée (r = 0.543, P<0.001). Parallèlement les taux de 25-OHD restaient similaires dans le GC, et étaient supérieurs à 90 ng.mL-1 dans le GI, et le volume expiratoire forcé en 1 seconde (VEF1) se stabilisait vers 46 dans le GC, alors qu’il atteint 83 dans le GI (P<0.001).

Conclusion de l’étude : La supplémentation en vitamine D3 serait efficace au-delà de 8 semaines, et optimale à compter de 24 semaines, en adjuvant de glucocorticoïdes dans le contrôle de l’asthme via les marqueurs VEMS1 et FEV1.

 

Synthèse des liens entre supplémentation en vitamine D3 et asthme

Cette synthèse des évidences scientifiques nous permet une analyse critique de la qualité de ces quatre études et de leurs résultats. Sachant que les études observationnelles incluent un biais à risque élevé en l’absence de randomisation propre à la cohorte. Les devis observationnels identifient les facteurs de risques et ont un meilleur design opérationnel, alors que les protocoles expérimentaux présentent le plus haut niveau d’évidence de causalité. Cependant les quatre études ont un biais de risque faible quant aux teneurs en vitamine D de l’alimentation.

Hollams et al. (9) utilisent la méthode du chi carré pour comparer la prévalence de l’asthme entre les sujets ayant suffisamment de vitamine D3 et ceux en carence, méthode adaptée aux variables. Ici, les rapports des cotes (OR) pertinents sont inférieurs à 1 avec un IC (indice de confiance) de 95% donc traduisent la mesure de l’association significative entre ces deux variables avec un effet protecteur. Ils sont appuyés par des probabilités. La population étudiée est suffisante. Afin de limiter les facteurs confondants tels que le mois du prélèvement, un ajustement sinusoïdal a permis le calcul de la vitamine D désaisonnalisée. Cependant les régressions linéaire et logistique restent univariées. La force majeure de l’étude demeure « its prospective nature, integrating data on vitamin D levels in children at two different ages in conjunction with concurrent clinical and immunological phenotypes. » Enfin, l’intervention a été décrite en détail et les abandons ont été rapportés et justifiés. L’importance clinique des résultats réside dans la projection associative qui peut-être faite entre l’asthme chez l’enfant et les taux sériques de 25-OHD. Ces derniers étaient déjà insuffisants l’hiver sous 32° de latitude, ce qui confirme ce problème international. Les risques de biais incertains ayant pu influencer les résultats sont l’absence d’informations quant à une possible complémentation en vitamine D3 ou un traitement médicamenteux ayant pu influencer les résultats. Les limites de l’étude demeurent l’absence de données relatives au statut vitaminique in utero, sachant qu’un nombre croissant de preuves suggèrent une relation avec le développement du poumon et du système immunitaire.

Solidoro et al. (12), ont également employé les tests du chi carré puisqu’il est adapté aux variables catégorielles et ANOVA pour celles paramétriques. La distribution est normale. Les modèles linéaires généraux servent à étudier les variables dépendantes c’est-à-dire, soit les concentrations de 25-OHD et soit le nombre d’exacerbations. Celles-ci étant continues, une analyse de régression linéaire a été utilisée pour évaluer l’association entre la 25-OHD et la sévérité de l’asthme. Les covariables indépendantes étaient les caractéristiques générales, les paramètres nutritionnels, les VEMS1 et FEV1, le score de corticoïdes inhalés et les comorbidités. Moyennes, pourcentages et écarts-types reflètent judicieusement les résultats appuyés par les probabilités. Sans OR ni risque relatif (RR), cette étude ne permet pas de conclure scientifiquement sur une association entre le facteur étudié (25-OHD) et l’effet observé (asthme). L’échantillon étudié est pertinent. La force de l’étude réside dans sa démonstration que « vitamin supplementation to deficient patients favorably influenced the course of asthma, resulting in less exacerbations, less need of oral corticosteroids bursts, and improved airway obstruction. » Enfin, l’intervention a été décrite en détail et les abandons ont été rapportés et justifiés. Cette analyse des effets de la supplémentation en D3 chez les patients asthmatiques adultes carencés en complément des traitements par corticoïdes est une réelle force clinique. Les limites de l’étude seraient un biais à faible risque que les taux sériques de 25-OHD ne reflètent pas réellement les niveaux n-1, la durée de supplémentation limitée à 28 semaines, et aucun contrôle de la saison.

Hirai et al. (14) ont opté pour une présentation adaptée des variables : celles catégorielles sous forme de nombres et de pourcentages et les continues à l’aide de médiane et d’intervalles. La seule variable dépendante est la concentration de 25-OHD3 dont ses relations avec les variables cliniques ont été obtenues par régression linéaire, et son association avec la première exacerbation avec des modèles de régression à risques proportionnels de Cox où IC = 95%. Ces méthodes sont adaptées pour répondre aux questions de recherche, bien que l’absence de calcul du RR ou OR ne permet pas d’établir réellement d’association entre le niveau de 25-OHD et l’asthme. La primeur de travaux associant « a positive relationship between vitamin D status and HR-QOL scores in patients with asthma » est une force. L’intervention est globalement décrite, mais aucun abandon n’est rapporté. Si la majorité des sujets asthmatiques étaient déficients en 25-OHD3 suggérant que cette carence a contribué à l’augmentation d’une inflammation chronique ayant influencé la hausse subséquente des symptômes respiratoires, pour autant le niveau de 25-OHD3 ne saurait être un marqueur clinique suffisamment prédictif des exacerbations futures de l’asthme, bien qu’en accord avec la littérature. Il conviendra d’évaluer par ailleurs l’utilité clinique d’une supplémentation en vitamine D en complément des corticostéroïdes puisque l’objectif du traitement de l’asthme est d’améliorer la qualité de vie des patients. D’autant plus que se pose la question d’une potentielle consommation en D3 non rapportée par les sujets. Un risque de biais élevé relatif à la variabilité saisonnière des taux sériques de 25-OHD3 est la principale limite pour les patients asthmatiques.

Enfin, l’essai clinique prospectif, randomisé, ouvert et contrôlé (15), présentait les variables numériques avec la moyenne et celles catégorielles avec la fréquence relative. Les corrélations et probabilités complétaient adéquatement ces techniques pour comparer les différents groupes et variables. L’absence d’OR ne permet pas toutefois pas de mettre en exergue l’association certaine de l’effet protecteur de 25-OHD sur l’asthme. Malgré un échantillon de petite taille, la population et sa répartition entre les groupes répondent aux besoins de l’étude. Les auteurs ont décrit en détail l’intervention et les abandons ont été rapportés et justifiés. Cette étude trouve sa force dans sa conception propre à une supplémentation en vitamine D sur une large population asthmatique (enfants et adultes) atteinte d’asthme persistant léger à modéré. Cliniquement, il ressort des résultats qui confirment la majorité de la littérature, un intérêt potentiel à supplémenter à minima pendant 24 semaines et à doses importantes ces sujets pour améliorer les bénéfices du traitement de l’asthme. Les auteurs n’ont pas vérifié les apports alimentaires en vitamine D de l’échantillon, cependant ce risque de biais est faible, car l’apport en vitamine D3 dans l’alimentation est minoritaire. Avec la taille de l’échantillon, qu’il n’y ait pas eu de groupe placebo ni de dosages différents testés sont les principales limites.

En conclusion et en accord avec la littérature, les quatre études (9,7,12,14) établissent que les patients asthmatiques sont carencés en vitamine D. Toutefois à travers ce type d’études, la question de savoir si les niveaux sériques de 25-OHD peuvent avoir un impact préventif dans le contrôle de l’asthme chez les patients atteints n’est que partiellement répondue. La supplémentation en adjuvant d’un traitement semble améliorer les performances respiratoires proportionnellement à l’amélioration du statut vitaminique du patient. Par ailleurs, aucun lien de causalité selon les critères de Hill n’y est rapporté. Pour autant, les quatre études dans leur ensemble tendent à s’y rapprocher : une force d’association a été démontrée par Hollams et al. (9), toutes ont une consistance et une validité correctes des résultats offrant spécificité de la relation ; elles sont vraisemblables, plausibles biologiquement, cohérentes avec la littérature antérieure, et enfin, Solidoro et al. (12) comme Arshi et al. (15) apportent des données dose-réponse entre 25-OHD et asthme.

Cependant, seuls Hollams et al. (9) et Arshi et al. (15) répondent indirectement en exposant qu’un niveau « suffisant » en vitamine D est caractérisé par une production accrue d’interleukine 10 (IL-10) par les cellules T régulatrices soit une production réduite de Tumor Necrosis Factor (TNF) impactant l’inflammation des muscles lisses et qui interviennent dans la pathogenèse de l’asthme. Nous pouvons donc admettre une relation causale à l’issue de l’essai randomisé entre la supplémentation en 25-OHD comme adjuvant au traitement de corticoïdes des patients asthmatiques carencés et l’amélioration des résultats cliniques. Relation également mise en exergue par Solidoro et al. lors la complémentation pendant l’étude observationnelle (12). Cela ne signifie pas pour autant qu’à titre préventif il faille systématiquement supplémenter ses profils de sujets, d’autres études sont nécessaires avec différents niveaux de preuves.

D’autre part, une question reste en suspend est-ce le terrain asthmatique qui induit un déficit en 25-OHD ou le déficit vitaminique qui serait à l’origine d’une dégradation avec un état inflammatoire sous-jacent ?

Bibliographie

2 – Global Initiative for Asthma – GINA [Internet]. Main-Report-2021-V2-WMS.pdf. Available from: https://ginasthma.org/

7 – Jolliffe DA, Greenberg L, Hooper RL, Griffiths CJ, Camargo CA, Kerley CP, Jensen ME, Mauger D, Stelmach I, Urashima M, et al. Vitamin D supplementation to prevent asthma exacerbations: a systematic review and meta-analysis of individual participant data. Lancet Respir Med [Internet] 2017;5:881–90. Available from: https://www.researchgate.net/publication/320231098_Vitamin_D_supplementation_to_prevent_asthma_exacerbations_A_systematic_review_and_meta-analysis_of_individual_participant_data

9 – Hollams EM, Hart PH, Holt BJ, Serralha M, Parsons F, Klerk NH de, Zhang G, Sly PD, Holt PG. Vitamin D and atopy and asthma phenotypes in children: a longitudinal cohort study. European Respiratory Journal [Internet] European Respiratory Society; 2011;38:1320–7. Available from: http://erj.ersjournals.com/content/38/6/1320

10 – Gondolf C. Mise au point et validation d’une méthode de dosage par HPLC-MS/MS de métabolites hydroxylés de la vitamine D. :113. Available from: https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-02451834

12 – Solidoro P, Bellocchia M, Aredano I, Mattei A, Pivetta E, Patrucco F, Boita M, de Blasio F, Brussino L, Rolla G, et al. Asthmatic Patients with Vitamin D Deficiency have Decreased Exacerbations after Vitamin Replacement. Nutrients 2017;9:1234. Available from: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5707706/

13 – Heraud C, Cheze MC. La Vitamine D vue à travers le prisme du Marmandais. Bordeaux – U.F.R. Des sciences pharmaceutiques; 2016. Available from: https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01452274

14 – Hirai K, Shirai T, Suzuki Y, Shimomura T, Itoh K. Comparison of the Association between Circulating Vitamin D3 Levels and Clinical Outcomes in Patients with Asthma and Chronic Obstructive Pulmonary Disease: A Prospective Observational Study. Biol Pharm Bull 2019;42:1861–6. Available from: https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31484846/

Laurence MYR

Diététicienne nutritionniste Diplômée d’État spécialisée en TCA - DESS en alimentation fonctionnelle et santé, D.U. Nutrition de l'Obésité et Conséquences Métaboliques, D.I.U. Troubles du Comportement Alimentaire (TCA) et DPC Diabète (DT2)

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